Hiroshi Sakurai – octobre 2023

Dans le précédent numéro des Lettre d’un Kuramoto (Brunello Cucinelli), j'ai parlé de ma visite en Italie. Mais le but premier de mon voyage était de rencontrer Monsieur Hideyuki Miyakawa et d'assister au mariage de son petit-fils.

M. Miyakawa est une personne dont les amateurs de voitures de notre génération se souviennent forcément. À l'époque, Ferrari et Maserati construisaient des voitures de sport uniquement en petites séries à Modène, en marge des courses automobiles. Il n'y avait vraisemblablement pas de véritable service de relations publiques comme aujourd'hui, et pour essayer les voitures, M. Miyakawa contactait directement les constructeurs. Il rédigeait ensuite un rapport d'essai pour le magazine Car Graphic. Les voitures de sport italiennes étaient un rêve pour moi. Je rêvais devant ces reportages en me disant : « Un jour, moi aussi, j'en aurai une (avec peut-être une belle italienne à mes côtés ?) ! ».

En réalité, M. Miyakawa a d'abord entrepris un tour du monde à moto. En allant à Rome, il a rencontré Maria, diplômée de l'université d'Hiroshima, qu’il a épousée. Il est un « samouraï » qui a soutenu la période de croissance économique de l'après-guerre en Italie et au Japon, en établissant lui-même un pont entre le monde des affaires italien et les entreprises japonaises de mécanique, y compris les entreprises automobiles japonaises, qui commençaient tout juste à l'époque à se développer. Plus tard, il a rencontré le jeune Giugiaro, qui allait devenir l’un des plus grands designers automobiles du monde, a contribué à la conception de plusieurs voitures telles que la Volkswagen Golf, et a cofondé « Italdesign », connue au Japon comme la société de design de la Isuzu 117 Coupé. Ainsi il a ouvert une voie importante pour le design automobile mondial contemporain.

C’est M. Kumabayashi qui m'a donné l'occasion de rencontrer une personne aussi extraordinaire. Il a le même âge que notre président et, bien qu'il soit jeune, c'est un homme de talent qui a créé sa propre entreprise à Hokkaido et a fondé plusieurs sociétés, dont une société d'ingénierie électrique et une société de mode. C'est le genre de personnes qui assurerait l'avenir du Japon s'il était peuplé de gens comme lui.

Il m'a demandé : « Connaissez-vous l'équipe de football de Turin, la Juventus ? J'ai acheté les droits d’une loge VIP de leur stade et j'y vois un grand potentiel commercial. Voulez-vous aller les voir ? » J'ai été invité à me rendre à Turin en mars.

J'ai découvert que le responsable du sponsoring de la Juventus était le fils de M. Hideyuki Miyakawa. En tant qu’amateur de voiture depuis toujours, je lui ai communiqué mon admiration pour M. Hideyuki Miyakawa et il a gentiment accepté que j'assiste au mariage de son petit-fils. C'est ainsi que je me suis rendu en Italie pour cette occasion.

Il s'agit d'un mariage à l’italienne. La cérémonie s’est déroulée dans la cour d'un château du 14e siècle. Après la cérémonie, les mariés sont partis avec la bénédiction de tous dans une Alfa Romeo Spider rouge vif ! (La voiture conduite par le personnage principal du film « The Graduate » lorsqu’il part chercher la femme dont il est amoureux). Et puis il y a eu la réception qui s'est tenue dans le jardin de la propriété appartenant à M. Miyakawa. Quoi qu'il en soit, la beauté de la campagne traditionnelle du sud de l'Italie et l'amabilité des Italiens ont fait le bonheur de tout le monde. Le mariage et la réception ont duré longtemps (de midi à minuit). Nous sommes partis tôt, après 20 heures, mais les célébrations se sont poursuivies jusqu'à minuit, comme prévu. Après l'heure du champagne, lorsque les amuse-bouches ont été servis, tout le monde s'est levé et a commencé à danser. Après cela, il y a eu une courte pause pour les discours, puis la danse a continué. Tout le monde était en pleine forme. Même la mère de la mariée a commencé à danser en faisant des pas légers... Bravo aux Italiens !

Au fait, j'ai participé habillé en kimono, parce que je pense qu'on ne peut pas s’imposer en costume chez les italiens, qui sont tous des gens élégants. Au dos de ma veste haori, j’avais les caractères blancs de Dassaï en guise d'emblème familial. M.Kumabayashi m'a raconté plus tard que les Italiens semblaient très intéressés et qu'ils ont tous essayé de prendre des photos de mon dos.

Le summum du voyage a été la visite le lendemain du vignoble, où le souvenir du mariage était encore bien présent. Le marié, Nico, était encore là. Toute la famille et les amis proches ne semblaient pas vouloir partir. Tout le monde semblait avoir un peu la tête dans les nuages. Au milieu de tout cela, j'ai pu saluer le chef de famille, M. Hideyuki Miyakawa, âgé de 86 ans. Sans réfléchir, je lui ai pris la main et je lui ai dit : « Je suis venu vous rencontrer au bout de 60 ans ».

En tenant un album d'il y a 60 ans, M. Miyakawa a expliqué les divers épisodes du développement de l'industrie automobile japonaise, qui est passée du statut de simples entreprises locales japonaises à celui d'acteur mondial. Je l'avais un peu imaginé, mais il nous a raconté plusieurs histoires vécues sur la façon dont nos prédécesseurs sont allés de l’avant, malgré diverses difficultés. J'ai de nouveau été impressionné par la façon dont nos aînés sont partis d'un pays vaincu pour en faire un pays de rang mondial.

Le moment de partir est arrivé rapidement après une pause pour voir la Jaguar SS100 de 1926 de la collection de M. Miyakawa et une visite dans un domaine viticole. J'ai quitté le domaine en lui saluant : « Je reviendrai certainement ».

En tout cas, le fait d'avoir rencontré une telle « personnalité » est un grand atout pour moi, tout comme ma précédente visite au village de Brunello Cucinelli. J'aimerais suivre l'exemple de M. Miyakawa et faire de cette rencontre quelque chose de grand et de fructueux, même si je ne sais pas encore comment. Merci, M. Kumabayashi. Et merci, M. Hirokane, de m'avoir donné l'occasion de le connaître.