Par Hiroshi SAKURAI, mars 2021
Il y a deux nouvelles importantes qui sont apparues sur la section des nouvelles de notre site Web dernièrement. L'une concerne le lancement du "Dassai à base de riz local" et l'autre notre campagne de recrutement pour le mois de juin. J'aimerais vous expliquer un peu le contexte de ces deux histoires, mais il reste encore un peu de temps avant le lancement du "Dassai local", et les deux histoires seraient trop longues, donc je vais d'abord parler de la campagne de recrutement.
Nous cherchons à recruter une dizaine de nouveaux diplômés pour nous rejoindre en Juin, ce qui est beaucoup car nous avons déjà plus d'une dizaine de personnes qui nous rejoignent en Avril. Cependant, ce n'est en fait pas suffisant. Il y a plusieurs mois, nous espérions augmenter nos effectifs de 40 personnes cette année. Mais même en incluant les nouveaux diplômés et ceux qui nous ont rejoints en cours d'année, nous n'augmentons notre effectif que de moins de 20 personnes. (Oui, malgré le tapage médiatique sur le coronavirus qui nuit à l'économie, il y a une pénurie de personnel dans certains secteurs).
Alors pourquoi avons-nous besoin de tant de personnes ? Actuellement, nous avons 123 personnes qui travaillent pour Dassai, y compris le personnel qui gère l'analyse des données. Si l'on ajoute à cela les 50 hommes et femmes qui travaillent aux expéditions, notre effectif global est de près de 170 personnes. (Ce chiffre ne comprend pas le personnel commercial et administratif. Si on les inclut, le nombre total est d'un peu moins de 200).
J'entends parfois dire que "Dassai a tourné le dos au système Toji pour faire du saké en masse par des employés". Eh bien, le fait est que, bien que nous ne produisions qu'environ un dixième de ce que produisent les grands producteurs de Nada ou de Fushimi, lorsqu'il s'agit de la main d'oeuvre impliquée dans la production, nous sommes probablement au même niveau, voire plus, que ces fabricants.
En 1965, un grand producteur de saké de Nada, célèbre pour son Kimoto, a construit une nouvelle usine. On pouvait alors lire sur le devant de l'usine: "Avec 100 brasseurs et employés, nous avons la capacité de produire 30.000 koku de saké". L'année dernière, Dassai a produit "30 000 koku de saké avec 123 personnes", alors que 60 ans nous sépare! Il y a probablement deux fois plus de personnes chez Dassai que dans n'importe quel autre producteur de saké en termes de nombre de koku produits.
En outre, le processus de fabrication de Dassai est loin du système traditionnel du Toji, où l'accent est mis sur un groupe d'artisans faisant le même travail, plutôt que sur un travail efficace et global. Pour faire Dassai, nous choisissons de diviser la charge de travail et, en raison de l'importance accordée à la précision du travail fini, les personnes en charge de tel ou tel travail sont de plus en plus cruciales pour la qualité et c'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'autant de personnel.
C'est la réalité de la fabrication de Dassai, dont certains disent à tort qu'il est (ou doit être) fabriqué de manière mécanique et automatisée.
Eh bien... Suis-je satisfait de cette situation ? Non, je ne le suis pas. Je voudrais rendre la charge de travail un peu plus facile pour tout le personnel. Pourrions-nous adapter la fabrication pour réduire cette charge pour le personnel ? La hauteur de la table de koji ou du sol est-elle vraiment la bonne ? N'y a-t-il pas de meilleurs équipements? Pouvons-nous utiliser l'Intelligence Artificielle ou des robots pour une tâche spécifique? Jusqu'à présent, nous avons essayé d'utiliser divers dispositifs et équipements, mais la réalité est qu'ils ne fonctionnent pas très bien: au final, nous avons toujours besoin de plus de personnel.
Par exemple, le robot pour laver du riz. Nous l'avons essayé parce qu'il était censé avoir le même niveau de précision et de contrôle qu'un être humain. Celui que nous avions essayé était en effet meilleur que toutes les autres machines sur le marché. Mais malheureusement, la machine ne peut commencer à contrôler précisément la teneur en eau du riz qu'après un certain temps, alors qu'un être humain est capable de la contrôler immédiatement.
Si c'est le cas, alors pourquoi ne pas avoir quelqu'un qui compenserait ce manque de contrôle du robot, travaillons de pair avec elle? Nous avons essayé toutes sortes de choses mais, disons que si un employé qualifié peut viser une qualité de 19/20 par lui-même, la machine peut tout au plus obtenir 17/20. Et si un employé qualifié essaie d'aider la machine, il peut l'amener à 18/20, mais pas plus.
De plus, la fabrication du saké devient de plus en plus compliquée. Pour répondre aux besoins réels des clients d'aujourd'hui, nous devons modifier de plus en plus les méthodes de travail que nous utilisins. Par conséquent, la tâche devient de plus en plus difficile pour une même quantité de travail. En outre, nous avons maintenant du travail supplémentaire que nous n'avions pas l'habitude de faire, comme l'extraction d'exosomes par exemple. C'est aussi la raison pour laquelle il y a un besoin croissant de personnel spécialisé dans le saké.
En outre, la formule gagnante pour Dassai a toujours consisté à augmenter les coûts de production autant que notre comptabilité le permet, ce qui lui permet d'obtenir un avantage concurrentiel en termes de qualité. Cette qualité est à l'origine de notre popularité auprès des clients, qui à leur tour augmentent les ventes globales. C'est complètement différent des méthodes conventionnelles, consistant généralement à augmenter le bénéfice brut en abaissant le coût de production, puis à le dépenser en publicité et en marketing. C'est pourquoi nous insistons pour utiliser le riz Yamada Nishiki, le meilleur riz à saké et donc le plus coûteux. Et c'est donc aussi pourquoi nous avons besoin de plus en plus de monde pour faire notre saké.
Mais jusqu'où pouvons nous continuer dans cette direction ? Nous avons besoin de bons employés, alors nous essayons de les attirer mais allons-nous finir par épuiser à la tâche tous ces jeunes gens?
À plus grande échelle, on parle beaucoup aujourd'hui du début de la fin du Capitalisme en raison des disparités croissantes entre les revenus, provoqué par la mondialisation de l'économie.
En d'autres termes, les entreprises essaient de produire dans des endroits où le coût de la main-d'œuvre est faible, de sorte que les emplois de ceux qui participaient à la production dans les pays développés partent à l'étranger, et le chômage augmente. C'est la raison principale pour le déclassement de la classe moyenne.
Cependant, je pense que cette Mondialisation a vraiment commencé lorsque l'Humanité est entrée dans la "révolution technologique et scientifique". Par exemple, lorsque les chemins de fer se sont développés, les cochers ont perdu leur emploi. En ce sens, c'est un problème éternel tant que l'Humanité progresse, et elle ne peut tout simplement pas abandonner le progrès.
En outre, je pense qu'il existe un concept d'"évolution qualitative", mais je pense qu'il n'est pas considéré comme aussi important, tant que la qualité est suffisamment bonne. C'est pourquoi les entreprises peuvent se permettre d'utiliser des machines et produire dans des pays où le coût de la main-d'œuvre est faible. Mais ce qui n'était pas un problème au XIXe siècle, lorsqu'il y avait une pénurie chronique de biens, ou dans les pays moins développés, ne devrait pas l'être dans les pays développés, ou dans la société japonaise. Encore combien de temps les consommateurs d'aujourd'hui vont-ils se satisfaire de produits fabriqués pour le confort du producteur?
La réponse de Dassai à ça, c'est de "poursuivre une qualité encore plus élevée". C'est pourquoi nous avons besoin d'un nombre sans précédent d'employés de production. Nous pensons que ce concept de "recherche de la qualité" est le meilleur moyen d'éliminer les disparités économiques dans la société, tout en garantissant à nos clients qu'ils obtiennent plus que ce qu'ils paient.
Par ailleurs, plus de la moitié des sakés Dassai fabriqués selon cette nouvelle méthode d'une très nombreuse main-d'œuvre seront exportés à l'international cette année. Plus simplement: nous récupérons des emplois qui ont été délocalisés et nous ajoutons plus de valeur à nos exportations que jamais auparavant.