Hiroshi Sakurai – novembre 2022

L'autre jour, j'ai eu l'occasion de rencontrer le président d'Hermès Japon. En fait, ce dernier avait déjà pris part à un repas avec notre CEO. Malheureusement, je n'ai pas pu être présent en raison d'un engagement antérieur au même moment et je n'ai pas pu le rencontrer. Pourtant il a eu la gentillesse d'organiser une réunion à son siège social de Ginza à Tokyo, en précisant : « Jérôme, le président de Saint-Louis (une manufacture de cristal fondée en 1586 qui fait partie du groupe Hermès) vient au Japon, je vais servir d'intermédiaire. » Je l'ai donc rencontré là-bas.

Hermès est une maison que j'ai toujours admirée. Comme elle a commencé comme fabricant de harnais, elle aurait normalement pu disparaître lorsque les chevaux ont été remplacés par les trains et les voitures comme moyen de transport. Mais elle a continué à briller en tant que marque de luxe de premier plan, en diversifiant son activité vers les sacs et d’autres accessoires. Hermès est une marque qui incarne à merveille le fait que si vous ne changez pas, vous ne survivrez pas.

Les échanges avec le président de Saint-Louis et le président d'Hermès m'ont inspiré, et je me suis dit : " Oui, c'est ça. C'est vrai !" Je n'arrêtais pas de hocher la tête pendant deux heures et de penser : "C'est ça Hermès, la marque parmi les marques.

Ils ont tous les deux insisté sur l'importance de l'artisanat. L'une des choses qui m’a marqué est que chez Hermès, pour les sacs les plus précieux, un artisan a la charge de leur fabrication du début à la fin. (L'un d'eux coûte plus de trois millions de yens, environ 20.000€. Mais ils sont fabriqués en quantité limité et les gens ordinaires comme ma femme ne peuvent pas les acheter sur un coup de tête. J’imagine que c’est une bonne chose… ?)

Le président a d'ailleurs passé plusieurs semaines dans l’atelier d’Hermès, près de la place Vendôme à Paris, pour une formation technique dès son arrivée dans le groupe. (Hermès demande que tous les employés suivent cette formation, même s'il s'agit d’un candidat au poste de président recruté par un chasseur de tête.)

Là, il a vu chaque artisan finir un sac dans les moindres détails et a demandé au directeur de l'atelier : "Est-ce qu’il n’y a pas une différence en fonction des compétences de chacun ? Le directeur de l'atelier a clairement contesté cette affirmation, déclarant : « Nous ne pensons pas qu'il soit souhaitable de fabriquer de manière uniforme par l'automatisation. » (Je suppose que cela signifie qu'ils valorisent l’excellence du savoir-faire et la fierté de chaque artisan.)

Quand j'ai entendu ça, je me suis dit que c'était exactement ce que je pensais. Les gens félicitent souvent Dassai pour produire des Junmai Daiginjo de qualité constante grâce à une gestion minutieuse des données par les brasseurs, mais nous répondons à leurs compliments en disant : « Non, ce n'est pas vrai. »

« La production de riz varie d'une année à l'autre parce que le climat est différent. Elle diffère également d'une rizière à l'autre. Même si nous n'utilisons que du riz provenant de la même zone de Fujita dans la région de Hyogo, la température annuelle d'un champ situé près d'une montagne est différente de celle d'un champ situé près d'une rivière. Ils ne peuvent pas être le même riz Yamada Nishiki. Nous n'essayons pas d'y remédier en "essayant de corriger un petit défaut du riz à saké et en risquant de compromettre l'ensemble". De plus, la pression de l'air au moment de la cuisson du riz à la vapeur est différente chaque jour. De cette façon, le koji est également réalisé différemment. Par ailleurs, notre équipe ne pense pas qu'il soit bon de faire le même travail à chaque fois, et elle propose sans cesse de nouvelles innovations. Cela signifie que Dassai évolue et est différent avec chaque cuvé ».

Il est impossible de produire la même chose lorsque l'on recherche un saké de haute qualité. Si vous voulez produire la même chose, vous devrez vous contenter de 70 points de qualité. Nous ne souhaitons pas sacrifier la qualité pour réaliser un saké identique." Et je propose des explications comme celles-ci qui feraient frémir les personnes habituées à la logique d’une société industrialisée moderne.

Lorsque nous avons commencé à fabriquer dans cette optique, nous sommes passés d'un peu plus de 100 à 176 employés de production en cinq ans. Le volume de production n'a pratiquement pas changé pendant cette période.

Les propos des deux présidents d'Hermès et de Saint-Louis m’ont profondément ému. Je me sens conforté dans notre démarche, maintenant que je sais que : « C'est la seule façon de faire ! »

A la fin de notre rencontre, le président d'Hermès a eu ces mots.  « J'avais entendu parler de la production de saké Dassai par une connaissance commune, un ancien collaborateur. J'ai pensé à une Porsche lorsque j'ai vu et entendu comment vous vous efforcez d'améliorer la qualité de vos sakés en permanence. Quand je demande à Porsche, « Quelle est la meilleur Porsche ? » ils répondent toujours : « C'est la dernière Porsche fabriquée. » J'ai ressenti quelque chose de similaire à la façon dont Porsche fabrique ses voitures » Hourra !