Hiroshi Sakurai – Janvier 2023
Pour le réveillon du 31 décembre, je suis allé écouter le concert du Japan Century Orchestra au Symphony Hall d'Osaka, et j'ai repris le Shinkansen à l'aube pour rentrer à la brasserie à Yamaguchi. Le lendemain, les fêtes de nouvel an ont été l'occasion de partager un verre avec les employés qui étaient présents, en dégustant des osechi (des plats traditionnels du Nouvel An Japonais, Ndt) que j'avais reçus. J’ai passé le reste du temps à me reposer. (Aujourd’hui, c'est le dernier des trois jours fériés pour la nouvelle année et après avoir salué les employés qui sont venus travailler aujourd'hui, je n'ai rien de prévu).
Pendant ce temps, j'ai réfléchi à ce que je vais faire, ou plutôt à ce que je veux faire, cette année. La première chose que je veux faire est, bien sûr, de faire en sorte que la brasserie de New York démarre sur de bonnes bases. Et pour cela, nous allons chercher à obtenir un saké un peu plus flamboyant et avec un taux d'alcool plus faible que le Dassai habituel. Il fera quand même faire environ 14 degrés. (Les Dassai actuels sont généralement autour de 15,8 degrés).
Pensez-vous que c'est différent de ce que je dis et fais habituellement ? J'avais l'habitude de dire que nous ne changeons pas notre production pour nous adapter au marché local des États-Unis ou à d'autres marchés d'exportation. J'ai dit que je voulais offrir des sakés Dassai de la même qualité dans le monde entier. N'est-ce pas en contradiction avec ce que je vous ai dit jusqu'à présent ?
C'est peut-être un paradoxe. Mais cela représente une étape importante pour l'avenir de la production Dassai au Japon.
À quoi ressemble le marché américain ? En dehors de quelques Japonais résidants aux États-Unis et des Américains amateurs de saké, la majorité des Américains ne connaissent pas le saké. Et même quand c'est le cas, la plupart d'entre eux ne connaissent que « Sake » (prononcé « saki »), qui est vendu moins de 7 dollars la bouteille, selon une stratégie axée sur « un prix bas ».
Si nous mettons sur le marché le Dassai actuel tel quel, seul un petit nombre de personnes l'appréciera. Je pense qu'il est plus facile pour les Américains de reconnaître le saké de qualité s'il est percutant et accrocheur. Comme si on se disait : « Oh là là ! C'est délicieux ! » Si vous n'arrivez pas à les faire réagir, ils ne reprendront pas un autre verre. De plus, si la teneur en alcool est trop éloignée de celle du vin, à laquelle ils sont habitués au quotidien, je pense que cela les détournera du saké.
En fait, le besoin de réduire la teneur en alcool se fait également sentir au Japon. À l'avenir, nous aimerions pouvoir limiter la teneur en alcool des Dassai au Japon dans la fourchette de 14 degrés, sauf pour les produits spéciaux. Pour y arriver, nous faisons beaucoup de tests, mais ce qui nous retient pour l'instant, ce sont nos clients, qui connaissent très bien le saké. Mais ces clients ont raison. Ils font des remarques tout à fait justes, comme « c'est trop aqueux » ou « c'est trop sucré ».
Toutefois, lorsque vous vous lancez dans un nouveau type de boissons à faible teneur en alcool, il est essentiel de faire des expériences sur différents aspects qualitatifs. Pour ce faire, il faut savoir ignorer l'avis des connaisseurs en saké, sinon nous ne pourrons pas atteindre l’équilibre que l’on attend d’un produit abouti.
Mais voici l'occasion parfaite. Les Américains ne connaissent pas beaucoup le saké. D'une certaine manière, ils n'ont actuellement aucune connaissance du saké, ce qui nous permet de défier le nouveau monde du saké sans nous préoccuper des amateurs de saké existants. Et nous pourrons faire profiter le Japon de nos connaissances en matière d'équilibre parfait entre la qualité du saké et un faible taux d'alcool, que nous aurons acquises en relevant le défi du marché américain. Ce sera également un tournant pour Dassai au Japon, car il s'agira d'une nouvelle génération de saké de qualité. Au final, les Dassai bues dans le monde entier devraient suivre la même tendance, y compris Dassai Blue.
Toutefois, il est possible que le processus ne soit pas aussi simple qu'il n'y paraît. Il faudra compter avec une série de revers et de changements. Mais cela n'est-il pas enthousiasmant ?
★Une confession embarrassante de l’année dernière★
Il s'agit de la dernière en date des situations où je me trompe ou me retrouve dans l'embarras.
À la fin de l'année passée, une conversation entre Mme Nana Matsuura (premier violon du Japan Century Symphony Orchestra) et moi-même devait être publiée dans une revue intitulée « Ongaku no Tomo (Ami de la musique) », aussi le journaliste et Mme Matsuura sont-ils venus à la brasserie pour l’interview.
Le photographe souhaitait prendre une photo de Mme Matsuura jouant du violon dans la salle de fermentation de Dassai. Elle a donc joué quelques mesures, entourée de cuves de fermentation.
J'ai pensé, « Ah, je connais ce morceau » et j'ai demandé à Mme Matsuura : « Est-ce que c'est un morceau de Kreisler ? ». Mais sa réponse a été « C'est la Méditation de Thaïs ». Comme c'est embarrassant ! Je suis le président de l'orchestre, voyez-vous … ?
Maintenant que j'y pense, j'ai fait une erreur du même genre à l'automne dernier. Dans le cadre d’une interview avec un quotidien, j'ai raconté mon expérience d'un concert auquel j’avais assisté en juillet, lors de mon séjour aux États-Unis, pour l’événement Dassai à Manhattan. Le concert d'été avait lieu sur une place près de la Juilliard School. J'ai été impressionné par la décoration générale, principalement bleue, qui était très belle et le public semblait bien s'amuser. Mais comme l’événement avait lieu en plein air, il arrivait souvent que des ambulances passent pendant le concert. Personne, y compris les interprètes, ne prêtait attention à cela. Et en plus, « c’est un orchestre classique, mais ils ont aussi joué du jazz... ». J'ai partagé cette histoire et mes impressions sur le fait que « les orchestres classiques de New York sont très éclectiques », mais cela n'a pas été repris dans l'article.
Je pensais que c'était du jazz par méconnaissance, mais en fait je crois que c'était « Rhapsody in Blue » de Gershwin. C'est un chef-d’œuvre de la musique américaine classique. C'est dans le style du jazz, mais ça reste de la musique classique, et on ne peut pas simplement dire « c’est du jazz ». Voilà pourquoi le simple amateur de musique classique que je suis pensait qu'il jouait aussi du jazz. Bien entendu, cela n'a pas été évoqué dans l'article. Ah, quelle honte.
Au fait, le Japan Century Symphony Orchestra, dont cet ignorant de la musique classique est le président, a réussi à avoir de bonnes perspectives en une seule année fiscale. Bien que le déficit des années passées pèse encore considérablement sur les finances de l’orchestre qui est devenu comme un enfant sans père, le gouverneur Hashimoto le détestant au point de vouloir en faire un exemple pour les autres orchestres d'Osaka, le Japan Century Symphony Orchestra devrait pouvoir survivre indépendamment.
De nombreuses personnes se sont senties concernées par notre sort et nous avons reçu le soutien, tant matériel que spirituel, d'un certain nombre de personnes. L'orchestre s’est engagé de lui-même dans des réformes (bien sûr, ces réformes difficiles sont encore en cours). Nous tenons à remercier tout le monde du fond du cœur et vous demandons de continuer à soutenir le Century Orchestra of Japan.
Et bien sûr, Dassai. Cette année, nous continuerons à relever le défi tout en échappant au « regard sévère des connaisseurs de saké » au Japon. Notre objectif est de produire un saké au goût encore meilleur.